Droit des successions – Donations – Réserve héréditaire
Il est rappelé que les grands-parents peuvent faire des donations envers leurs petits-enfants et choisir un petit-enfant parmi d’autres, en bénéficiant de dispositifs d’exonération fiscale (article complet à ce sujet).
Cependant, si vous avez des enfants, vous ne pouvez pas les déshériter.
Les enfants ont en effet droit à une part minimale de votre héritage qu’on appelle la réserve héréditaire. Si la donation porte atteinte à cette réserve héréditaire, ils seront en droit au moment de la succession de demander au bénéficiaire de la donation de récupérer ce qu’il leur est dû par le biais d’une action en réduction des libéralités.
Ainsi, le don aux petits-enfants est possible uniquement si vous gardez une réserve pour vos enfants, à moins que ces derniers renoncent à réclamer leur dû. Il en est de même des dons faits par les parents au profit de leurs enfants.
Un arrêt récent de la Cour d'Appel d’Amiens permet de comprendre les enjeux des donations aux petits enfants au sein de familles recomposées.
En l’espèce, deux époux ainsi que les parents de l’époux avaient réalisé diverses donations à leurs quatre enfants et petits-enfants « légitimes ». Après le décès de l’époux, des difficultés sont apparues lors des opérations de succession avec deux autres enfants issus d’une précédente union qui contestaient ces donations et sollicitaient des indemnités de réduction.
Pour les donations faites par le père à ses enfants, la Cour rappelle qu’elles sont réductibles, c’est-à-dire qu’elles doivent être réintégrées à la masse successorale pour s’assurer qu’elles ne portent pas atteinte à la réserve héréditaire et si c’est le cas, calculer le montant de l’indemnité de réduction.
Pour les donations faites par les grands-parents aux petits enfants, il était soutenu que le père avait frauduleusement renoncé à sa réserve héréditaire dans la succession de ses parents, en organisant des donations par ces derniers à ses enfants « légitimes », dans le but de déshériter ses filles issues d’une première union.
Après avoir rappelé qu’un hériter est libre de renoncer à son dû sauf si cette renonciation a pour objet de se soustraire à la règle obligatoire de la réserve héréditaire, la Cour rejette la fraude en relevant que :
Les donations des grands-parents n’ont pas été dissimulées, ayant été faites par acte notariés et étaient espacées dans le temps ;
Le fait que les grands-parents aient souhaité avantager certains enfants n’est pas en soi condamnable ;
Les difficultés relationnelles du père avec ses filles « naturelles » ne sont pas suffisantes pour caractériser une fraude.
Cour d’Appel AMIENS, 6 octobre 2020, n° 17/00945
Me Michèle BARALE
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